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Notre-Dame de Paris brûle… 

Un brasier, dont la gigantesque incandescence rougeoie le ciel nocturne parisien,  des flammes qui, se jouant des jets propulsés par les lances des pompiers, poursuivent leur œuvre destructrice : quatre semaines après l’événement,  mon émotion est encore là, ample émotion qui fut aussi celle qui  a saisi les passants ou touristes figés dans une immobilité sidérante, celle qui nous a tous saisis, où que nous soyons, à Paris, devant notre poste de télé, en France mais aussi ailleurs et beaucoup plus loin ; ainsi, le père Bernard Holzer, prêtre français exerçant son sacerdoce à Manille, relate les interrogations inquiètes sur la survie de Notre-Dame, que ses confrères philippins lui ont adressées lors de la messe du Jeudi saint1. Notre-Dame, cœur vivant de la France, comme en témoigne, de façon anecdotique, l’édifice qui représente le point zéro de toutes les routes de France.                                                                                                                                  

 Je ne peux évoquer l’événement sans avoir une pensée pour tous ceux qui ont été en première ligne dans cette catastrophe, et plus particulièrement les nombreux pompiers qui ont combattu le feu, durant des heures, avec un courage démesuré et un remarquable professionnalisme ; je me fais l’interprète de tous les membres de VMI pour leur témoigner du fond du cœur notre très vive reconnaissance et leur adresser l’hommage qu’ils méritent.

 Notre-Dame est abimée, défigurée, le  « rêve de pierre » qu’elle a été,  a perdu de sa splendeur séculaire mais elle est encore là, fragilisée, mais debout ; elle renaîtra mais cela ne se fera pas instantanément - comme pour le phénix renaissant de ses cendres !-, mais au terme d’un long et collectif travail où s’illustreront de nombreux experts, artisans et artistes patentés ; dans un élan collaboratif, ils retrouveront les nobles intuitions et les gestes rigoureux des ouvriers des siècles passés : ces derniers, portés par la force spirituelle d’une foi simple et ancrée au plus profond d’eux-mêmes,  ont témoigné de leur capacité à « créer du sublime » et, pour ce faire, ont mis leurs talents et savoir-faire au service de la construction d’un édifice, signe de beauté et de foi.

Cet élan qui réunit les hommes, nous le retrouvons dans cette vague de solidarité qui a fait affluer des dons ; elle est la preuve que Notre-Dame est le symbole d’une culture commune et que ce drame affecte en tout homme, quelque chose de profond, qui se situe au-delà des convictions, des croyances et de la foi chrétienne. Cette montagne de dons, marque d’une solidarité de circonstance, a suscité des critiques ; il est vrai que cette vertigineuse générosité interroge nos consciences, au moment où l’on constate, en France, une baisse significative des dons …Une manière de couper court à toute polémique est de lire la belle réaction des habitants des bidonvilles de Manille : ces derniers, au cours du chemin de croix du Vendredi saint, se sont réjouis des dons faits pour la reconstruction de Notre-Dame2. « Pour eux, dit le père Holtzer, il n’y a pas Notre-Dame ou les pauvres, mais Notre-Dame et les pauvres. En Asie on n’oppose pas, on cherche à harmoniser… Tous sont sensibles à la communion profonde autour de ce sanctuaire. Puissions-nous conserver cette cathédrale et ses valeurs, conserver notre terre et protéger ses habitants, les plus pauvres surtout2 ». Allant dans le même sens, un journaliste conclut ainsi son éditorial : « Les chrétiens qui s’apprêtent à fêter Pâques ne peuvent rester insensibles à cette mobilisation pour sauver Notre-Dame. Ils peuvent aussi y entendre un appel à mieux prendre soin non seulement des églises de pierre où ils célèbrent la victoire de la vie sur la mort, mais aussi de leurs frères, à commencer par les plus fragiles3 ». 

La reconstruction de Notre-Dame relève de la sauvegarde certes, d’un chef d’œuvre de l’art, mais aussi et surtout, d’un chef d’œuvre à forte dimension spirituelle ; elle est le « vaisseau d’une présence » selon la formule employée par Mgr Aupetit, archevêque de Paris, lors de la messe chrismale célébrée à Saint Sulpice. Cette mystérieuse présence a créé, au-delà de l’émotion, une mystérieuse communion entre tous les spectateurs impuissants devant les flammes, entre « ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas ». Chrétiens, nous savons ce qu’est cette mystérieuse présence que nous reconnaissons et affirmons à chaque eucharistie ; Notre-Dame a été « bâtie pour un morceau de pain4 » qui nous ouvre à la grâce de Dieu et nous met en contact avec le corps du Christ ressuscité. Cette résurrection du Christ, nous l’avons fêtée quelques jours après l’incendie ; le message pascal, je le retrouve dans une photo surprenante, la première prise après l’incendie à l’intérieur de la nef calcinée : elle montrait la croix dorée, presque lumineuse, demeurée intacte au-dessus de l’autel avec sa « gloire5 ». Un beau signe d’espérance…

  1. Journal La Croix du 26 avril, courrier des lecteurs
  2. Ibidem
  3. Journal La Croix du 19 avril, éditorial de Dominique Greiner
  4. Formule de Mgr Aupetit, interviewé par un journaliste pendant l’incendie.
  5. Gloire : lame circulaire qui flotte au-dessus de la croix comme une couronne

Monique Bodhuin

 

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