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Extraits de l’Homélie du père Raniero Cantalamessa, ofmcap.
 prédicateur de la Maison pontificale

Célébration de la passion du Seigneur : Vendredi 10 avril 2020

« J’AI DES PENSÉES DE PAIX, ET NON DE MALHEUR »

 

Saint Grégoire le Grand disait que l’Écriture cum legentibus crescit, c’est-à-dire grandit avec ceux qui la lisent[1]. Elle continue de révéler de nouvelles significations à l’homme selon les questions qu’il porte dans son cœur quand il la lit. Et cette année, nous lisons le récit de la Passion avec une question – ou plutôt avec un cri – dans le cœur, qui s’élève de partout sur la terre. Nous devons chercher à saisir la réponse que la parole de Dieu y apporte…

La croix du Christ a donné un nouveau sens à la douleur et à la souffrance humaines. …

Quelle lumière tout cela jette-t-il sur la situation dramatique que traverse l’humanité ?...

La pandémie du Coronavirus nous a brutalement fait prendre conscience du danger le plus grand que les hommes et l’humanité aient un jour couru, celui de l’illusion de la toute-puissance. « L’homme comblé qui n’est pas clairvoyant – dit un psaume de la Bible – ressemble au bétail qu’on abat[2]. » C’est vrai : l’homme dans la prospérité ne comprend pas…

Dieu bouleverse nos plans et notre tranquillité, pour nous sauver de l’abîme que nous ne voyons pas. Dieu est notre allié, pas celui du virus ! « Je forme à votre sujet des pensées de paix, et non de malheur », dit-il lui-même dans la Bible[3]….

 Celui qui a pleuré la mort de Lazare pleure aujourd’hui le fléau qui est tombé sur l’humanité… Dieu participe à notre douleur pour la surmonter »… Mais ce qui se passe aujourd’hui, est le fruit de la liberté humaine, il la laisse suivre librement son cours, « en lui faisant servir son plan, pas celui des hommes » : ainsi en a-t-il été, pour la mort de son fils.

…L’autre fruit positif de cette crise sanitaire est le sentiment de solidarité. Quand, de mémoire d’homme, les gens de toutes les nations se sont-ils sentis aussi unis, aussi égaux, aussi peu querelleurs, qu’en ce moment de douleur … Ne permettons pas que toute cette souffrance, tous ces morts, tout cet engagement héroïque du personnel médical aient été vains. C’est la « récession » que nous devons craindre le plus.

« De leurs épées, ils forgeront des socs,

et de leurs lances, des faucilles.

Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ;

ils n’apprendront plus la guerre[4]. » Il est temps de réaliser quelque chose de cette prophétie d’Isaïe dont l’humanité attend depuis toujours l’accomplissement. Disons : assez ! à la tragique course aux armements. Dites-le de toutes vos forces, vous les jeunes, car c’est avant tout votre destin qui est en jeu. Attribuons les ressources illimitées utilisées pour les armements aux fins dont, dans ces situations, nous voyons le besoin et l’urgence : la santé, l’hygiène, l’alimentation, la lutte contre la pauvreté, le soin de la création. Laissons à la génération qui viendra un monde plus pauvre en choses et en argent, au besoin, mais plus riche en humanité.

La parole de Dieu nous dit quelle est la première chose que nous devons faire dans des moments comme ceux-ci : crier vers Dieu… « Viens à notre aide ! Rachète-nous, au nom de ton amour.… Ne nous rejette pas pour toujours [5] » « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien[6] ? »…

Il y a des choses que Dieu a décidé de nous accorder comme fruit à la fois de sa grâce et de notre prière, comme pour partager avec ses créatures le mérite du bienfait reçu [7]. C’est lui qui nous exhorte à le faire : « Demandez, on vous donnera ; dit Jésus ; frappez, on vous ouvrira [8] »…

Regardons celui qui a été « élevé » pour nous sur la croix. Adorons-le pour nous et pour toute l’humanité… Après ces jours que nous espérons courts, nous nous lèverons et sortirons des tombeaux que sont devenues nos maisons. Non pas pour revenir à l’ancienne vie comme Lazare, mais à une nouvelle vie, comme Jésus. Une vie plus fraternelle, plus humaine. Plus chrétienne!

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[1] Moralia in Job, XX,1.

[2] Ps 48, 21.

[3] Jr 29, 11.

[4] Is 2, 4.

[5] Ps 43, 24.27.

[6] Mc 4, 38.

[7] Cf. S. Thomas d’Aquin, S.Th. II-IIae, q.83, a.2.

[8] Mt 7, 7.