Change ton regard et la vie jaillira
Sœur Vincent fait partie des sœursde Jeanne-Antide Thouret qui ont pour patron St Vincent de Paul; la congrégation, émanation des Filles de la Charité a été fondée à Besançon en 1799 par Jeanne-Antide après la dispersion des Filles de la Charité par les révolutionnaires; leur mission: enseignement, aide aux pauvres, soins des malades, d'où leur présence en EHPAD comme dans l'établissement Notre Dame des Cèdres mentionné par la sœur.
« Que ton regard soit le regard de Dieu : Il cherche la beauté pour s’en émerveiller
Que ton regard soit le regard de Dieu ; Il cherche les petits pour être leur grandeur.
Que ton regard soit le regard de Dieu : Il cherche les blessés pour être leur salut. »
Didier Rimaud.
« Pour Jésus, les autres, quels qu’ils soient, quels que soient leurs actes, leur réputation, leur maladie, sont toujours des êtres aimés de DIEU » Cardinal Decourtray
Fille de Ste Jeanne Antide, avec mes sœurs, avec d’autres, j’essaie de vivre de son charisme : aimer et servir les pauvres, se laisser évangéliser par eux !!
Je peux vous dire que plus j’avance en présence dans cette maison, moins je comprends la maladie : voir des personnes que l’on a connues et ne pas les reconnaitre, quelle dure réalité !! Mais ce qui s’approfondit en moi c’est la conviction profonde que seul l’Amour aide ces personnes : amour reçu et donné, amour au sein du couple, amitié entre résidents. Vérité dans la relation !!
Les personnes sont sensibles au respect de leur attitude, de leur comportement, de leurs convictions.
Quand une personne arrive dans notre maison, très désorientée et nous dit en boucle toute la journée le nom de son village, par où y aller, le personnel lui écrit alors le nom de son village sur un papier, elle le garde précieusement car c’est pour elle une sécurité. Elle continue ainsi pendant environ une quinzaine de jours au bout desquels je peux la rencontrer, me disant, apaisée, avec joie, et levant les bras : « Je revis »
Un monsieur, déménage sans cesse les chaises, les fauteuils, tout le monde le laisse faire et remet les choses en place sans rien lui dire, il a besoin de se dépenser !!
Il est fréquent qu’une personne aille s’allonger sur le lit d’un autre ; gentiment le personnel ou moi-même, l’emmenons rejoindre sa chambre et habituellement tout se passe bien .
Il arrive que l’un ou l’autre résident ne veuille pas se rendre à la salle à manger pour le repas ; le personnel vient alors le servir là où il se trouve, de ce fait il s’alimente alors que si on l’obligeait à venir en salle, il ne mangerait rien.
Nous invitons des personnes qui le souhaitent à venir prier le chapelet tous les matins. Il y a les habitués, mais rien n’est systématique, un jour c’est oui, un jour c’est non, nous respectons leur désir.
Un jour une sœur résidente me dit : « je perds la mémoire, je ne sais plus rien » C’est vrai, vous oubliez bien des choses mais ce n’est pas grave, alors elle me répond « Oui, un jour un prédicateur a dit dans une retraite : ce qui est important c’est aujourd’hui, c’est le moment présent ».
Le jour du 15 août nous faisons un temps de prière et à un moment donné j’invite les résidents à exprimer leur motif d’action de grâce. À ma grande surprise plusieurs s’expriment et de façon très profonde : il y a là un monsieur très fatigué qui ne semble pas toujours en phase avec nous, je vois ses yeux briller, je m’approche de lui et lui demande ce qu’il veut dire, difficilement mais avec conviction, il dit : « pour ma femme », elle faisait 80 km tous les jours pour venir le voir.
Plusieurs familles étaient en souffrance devant l’état de leur parent : ensemble nous avons réfléchi comment aider à donner sens à cette situation.
« Quand des liens d’amitié se créent entre résidents, Merci de dire que l’amitié, l’amour sont plus forts que la maladie».
« Quand l’un des nôtres rejoint la Maison du Père, Merci de dire que La Vie est plus forte que la mort. Notre Maison est une grande famille ou l’on s’entraide mutuellement dans les moments difficiles . »
Pour conclure je cite Xavier Thevenot « La souffrance ne fait pas plaisir à Dieu, ce qui plait au Créateur c’est que l’homme s’humanise. Et humaniser la souffrance c’est essayer de renouer avec les autres et avec le Père le lien qui a été cassé par la douleur. Ce qui est rédempteur, ce n’est pas la souffrance elle-même mais la tentative que l’on fait pour sortir de soi au cœur de l’épreuve. Seule une présence chaleureuse de personnes bien portantes, attentives à ce que vivent les malades peut permettre cette humanisation de la souffrance » .
Il ne faudrait pas croire que tout est parfait à Notre Dame des Cèdres mais je me réjouis d’être témoin de la façon dont les résidents sont respectés. Avec vous je rends grâce au Seigneur pour cette œuvre d’humanisation .
Témoignage de Sœur Vincent